Le conditionnement classique, ce grand oublié

Clio Marshall

Le renforcement négatif, qui est utilisé partout aujourd’hui dans le travail du cheval, peut avoir un effet néfaste sur le bien-être de ce dernier lorsqu’il est utilisé seul. Pour pallier à ça, il s’agit de l’associer à d’autres types de conditionnement.
Par exemple, il a été prouvé qu’un apprentissage qui se veut respectueux du bien-être du cheval devrait se découper en trois phases :

  • Phase 1 : essai erreur (renforcement négatif)
    Le cheval apprend la réponse qui lui permet d’échapper à un stimulus aversif.
  • Phase 2 : on réduit la pression (utilisation d’un stimulus discriminatif)
    En utilisant une progression claire et constante dans nos demandes, on est en mesure d’alléger la pression exercée pour obtenir le même résultat. Le cheval est capable de discriminer le stimulus et de trouver la bonne réponse de plus en plus tôt.
  • Phase 3 : on associe le comportement à un stimulus neutre (conditionnement classique)
    Le comportement est acquis, on associe alors un stimulus neutre au comportement voulu, de façon à pouvoir se passer complètement du stimulus aversif.

Si vous avez bien suivi, alors vous avez noté qu’on passe d’une stratégie d’échappement à une stratégie d’évitement.

Imaginons un exemple tout simple : on souhaite apprendre à un cheval une transition descendante.
Phase 1 : je mets de la pression dans mes deux rênes.
Le cheval peut alors fermer son angle tête-encolure, lever la tête, ralentir. En relâchant la pression de mes rênes au moment où il ralentit, je lui donne l’indication qu’il a trouvé le comportement souhaité.

Phase 2 : je mets une légère pression dans mes deux rênes.
Le cheval a fait l’association entre le fait de ralentir et l’arrêt de la pression. Il va donc amorcer sa transition dès le début de la pression, sans proposer d’autres comportements, sans attendre non plus que la pression n’augmente trop.

Phase 3 : je m’assois dans ma selle.
J’associe un stimulus neutre (m’asseoir dans ma selle) au comportement conditionné. Je n’ai alors plus besoin d’utiliser mon stimulus aversif.

En prenant cet exemple concret, on réalise que tout le monde est bien conscient de cette troisième phase. Tout le monde a pour but ultime le fait de ralentir son cheval en s’asseyant dans sa selle. Or, peu de gens comprennent réellement la mécanique engagée derrière. La preuve en est, le nombre croissant de professionnels vous affirmant pouvoir éduquer un cheval sans lui mettre de pression mais sans pour autant passer par du renforcement positif. La phase 1, la plus coûteuse pour le cheval finalement puisqu’elle induit l’utilisation d’un stimulus aversif pour créer l’association, est nécessaire. Le stimulus neutre ne peut pas être compris par le cheval et associé au bon comportement si celui-ci n’a pas été, au préalable, associé au stimulus aversif et renforcé.

Le problème de l’équitation aujourd’hui n’est pas l’utilisation du renforcement négatif, c’est le manque de connaissance des théories de l’apprentissage et l’absence de conditionnement classique. C’est le fait de baser son travail sur un mécanisme d’échappement plutôt que sur un mécanisme d’évitement.

Il me semble aussi important de (re)préciser que le fait de travailler en renforcement négatif ne doit pas nous dispenser de respecter le principe de la modification comportementale : vérification des potentiels problèmes de santé, satisfaction des besoins, gestion de l’environnement, enrichissement, puis enfin entraînement (voir l’article de blog à ce sujet).

Source : Roles of Learning Theory and Ethology in Equitation, P. D. McGreevy & Andrew McLean, 2007